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Archive journalière du 9 août 2007

Saison perdue

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                                      L’Obiou en 2006

                                      obiousmall.jpg 

 Une nouvelle de Yann Petrucci parue dans les Nouvelles du Pays, il y a quelques mois.

Hiver 2325 – Cité du Mont Obiou.

La chaleur devenait insupportable. Certes Djino était habitué depuis sa plus tendre enfance à ne plus vivre que dans une fournaise quasi-permanente mais jamais il n’avait connu de mois de février aussi chaud. Très vite il quitta les balcons de surface qui lui permettait d’avoir une vue impressionnante au loin sur les ruines d’une ville que ses grands parents avaient autrefois appelée Guenobe. Ils lui avaient même raconté que les grands parents de leurs propres grands parents y avaient habité, à une époque où il y faisait encore bon vivre.

Il retourna dans les dédales au sein de la montagne en tentant d’imaginer ce que pouvait vouloir dire « bon vivre » à la surface d’une terre pelée, grillée, brûlée. Cette pensée céda cependant rapidement la place à l’objet de ses préoccupations depuis plusieurs jours déjà. En cheminant dans les galeries légèrement rafraîchies de la ville souterraine il se remémora le plan qu’il s’était fixé, et qui, si tout se déroulait bien, lui permettrait d’enfin espérer un avenir meilleur. Il dépassa sans s’arrêter les habitations précaires de son quartier où les populations les plus pauvres vivaient proches des ouvertures brûlantes donnant à l’extérieur. Finalement il déambula nonchalamment devant le magasin de luxe sur lequel il avait jeté son dévolu. Malgré l’heure tardive, il y avait toujours autant de badauds en admiration devant les produits inaccessibles qui s’étalaient dans la vitrine. Le moins cher équivalait à près de 10 ans d’un salaire moyen de la plupart d’entre eux. Djino, lui, savait que dans les coffres de cette boutique, des richesses encore plus importantes étaient enfermées, et que ce soir il en serait le richissime possesseur.

Il n’y avait pas si longtemps, à la recherche d’un nouveau filon aquifère dans les profondeurs de la roche, il avait découvert une ancienne galerie minière partiellement refermée. Laissant de côté ses recherches d’une hypothétique source non répertoriée par les services de la défense de l’eau il avait parcouru cette galerie qui très vite s’était transformée en un boyau putride. Au moment où il désespérait d’aboutir quelque part il entendit le bruit sourd d’un ventilateur. Sans croire à sa propre chance, il observa pendant de longues minutes au travers des pales produisant un vent rafraîchissant les allées et venues des gardiens dans la salle des coffres d’un magasin qu’il localisa plus tard grâce à l’insigne qu’il distingua sur la porte d’entrée. Des trésors inimaginables devaient être contenus dans ces coffres.

Après des heures passées à surveiller cette salle, il avait acquis la certitude qu’il pourrait y accéder facilement, cette nuit même, par l’ouverture de ce ventilateur. Il s’était donc mis en place dans la nuit attendant la sortie du dernier garde et le claquement de la serrure de sécurité. Rapidement, il dévissa le ventilateur et se laissa glisser dans la salle dans un silence qu’une vie passée à fureter dans l’obscurité des cavernes avait développé.

Les yeux brillants il repéra la dizaine de tubes en verre métallisé dans leur enceinte frigorifiée. Il savait que ces tubes pourraient résister pendant au moins 24 heures à la température extérieure ce qui lui laisserait largement le temps de refourguer sa marchandise. Sa main tremblante ouvrit l’enceinte, frémit sous l’effet d’un froid inconnu et effleura chaque cylindre : « San Lorenzo – Chili – 2019″, « Mac Kinley – Alaska – 2032″, « Vinson – Antarctique – 2075″, « Mounkou Sardik – Sibérie – 2043″,  » Elbrouz – Géorgie – 2015″… Des lieux magiques qui réveillaient dans sa conscience des histoires qu’il associait à des légendes, aussi irréelles que l’idée de « bien vivre » dans les ruines de Guenobe. Mais les dates accolées à ces lieux prouvaient que ce qu’il n’avait cru être que des contes avait en fait réellement existé.

Son regard s’arrêta, émerveillé, sur le dernier tube : « Obiou – France – 2006″. C’était l’année la plus ancienne de toute. Et à l’endroit même où il habitait! Sa valeur serait inestimable. N’hésitant qu’un instant il prit fermement le cylindre sentant avec une appréhension fugace ses doigts geler au contact du verre. Réprimant sa peur il le glissa dans son sac et sans plus s’attarder se dirigea vers l’ouverture du mur.

Au moment de s’y glisser une lueur brusque le fit se retourner. La porte venait de s’ouvrir sur une meute de gardiens, arme au poing.

« - Arrête-toi !

- Attention aux cylindres!

- Attrapez le ! »

Pris de panique Djino recula vers l’enceinte ouverte. Se méprenant sur son geste un des gardiens tira… et toucha Djino qui dans un mouvement ralenti s’écroula sur l’étagère supportant les cylindres.

Dans une ultime vision il aperçu au travers de pieds qui couraient en tout sens les tubes se fracasser au sol. Il sentit la poudre glacée se répandre dans ses narines, lui picoter les yeux. Il vit avec délice l’or blanc se répandre sur le sol et déjà commencer à fondre. Et il se demanda dans un surprenant sursaut de lucidité comment les anciens avaient pu laisser disparaître la neige.

Yann Petrucci, 37 ans

Fourchon

38710 Saint Baudille et Pipet

                                    tassilihoggar.jpg

                                    L’Obiou en 2325 ?

Pour en savoir plus sur l’auteur…

http://dodiblog.unblog.fr/2007/04/28/soiree-sanglante-a-lolagne/

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