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Voici un extrait du mémoire réalisé par Baptiste Cambon de Lavalette dans le cadre d’un Master IUP Aménagement et Développement Territorial réalisé à l’université Pierre Mendés France de Grenoble, intitulé: « Pertinence du covoiturage pendulaire comme solution de mobilité alternative ».
Dans le cadre de ses études, Baptiste a effectué un stage de plusieurs mois au sein des équipes techniques et décisionnelles du Syndicat d’Aménagement du Trièves. Voici donc la partie de son mémoire consacrée au Trièves.
Vous pouvez par ailleurs lui demander communication de l’ensemble de son mémoire en le contactant par mail: baptistecambondelavalette@yahoo.fr
Olivier DODINOT
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Le Trièves fait le choix de la mobilité alternative
Parmi l’ensemble des initiatives publiques ayant élaboré un projet de covoiturage, concentrons notre attention sur celle du Trièves (département de l’Isère) qui s’est particulièrement attachée à la question du covoiturage pendulaire. J’appartiens à l’équipe qui a construit ce projet. Ma mission a été d’étudier sa faisabilité et d’aider à la concertation.
Le plateau du Trièves est une région de moyenne montagne, marquée une forte identité rurale. Vaste de 647 km2, ce territoire compte environ 8500 habitants. Le Trièves est situées à cinquante kilomètres de l’agglomération grenobloise.
A. La philosophie d’un projet de territoire : L’Agenda 21 du Trièves
Suite à la réalisation, en concertation avec la population, d’un Schéma Directeur visant à réglementer l’aménagement de l’espace, les élus du Syndicat d’Aménagement du Trièves ont décidé en 2003 d’afficher clairement leur volonté de mener un projet de développement global sur leur territoire en respectant les critères du développement durable. Cette volonté politique est claire: elle unifie l’ensemble des communes du Trièves sous une même bannière.
L’entité Trièvoise est donc reconnue. Ce territoire n’a pas le désir de se transformer en espace « dortoir » de l’agglomération grenobloise. Il se dote en effet, des outils pour mener à bien un projet de territoire cohérent.Ce projet s’intitule « Agenda 21 pour le 21ème siècle
Il est le résultat d’uneconcertation active et régulière avec les habitants. Pour l’animer, plusieurs lieux d’échanges et de travail on été mis en place afin que les habitants, les élus et les techniciens des collectivités locales réfléchissent et fassent des propositions : les forums 21 (réunions publiques), les ateliers de travail (propositions concrètes), la cellule opérationnelle (faisabilité technique et juridique des actions proposées) et enfin le Conseil syndical du SAT (décisions).
« Se concerter, c’est « se mettre d’accord pour agir ensemble ».
Ce projet de territoire se traduit par un programme d’actions volontairement limité à une quarantaine d’actions prioritaires, parmi lesquelles un axe est consacré à la problématique de transports et de déplacements. Cet axe de développement intitulé « Améliorer la mobilité de tous les habitants via des modes de transports alternatifs » comprend quatre pistes d’actions :
- Un guichet unique pour une mobilité alternative
- Le covoiturage
- Favoriser l’utilisation des lignes de transports collectifs
- Le pédibus
B. Présentation du contexte
1. Un territoire en mutation démographique
L’expansion de l’agglomération grenobloise se fait de plus en plus ressentir dans le Trièves puisque nous constatons une croissance démographique de 36% entre 1982 et 2002, accompagnée d’une augmentation du nombre des naissances. Le Trièves connaît peu à peu le phénomène de périurbanisation, qui se traduit par l’installation de nouveaux habitants que l’on pourrait qualifier de « néo ruraux ». Cette population est résidente du Trièves mais, grâce à l’amélioration des conditions de transports, (construction de l’autoroute 51 notamment),elle peut travailler dans la principale zone d’emplois : l’agglomération grenobloise. Cette région subit, de fait, les conséquences d‘une infrastructure autoroutière censée à terme relierGrenoble et Nice, via Sisteron.
2. Répartition spatiale des activités
Trois chefs lieux de canton concentrent à les principaux services. Ce territoire a une densité faible s’élevant à treize habitants par km² (contre 98 habitant/km² en 1996) et quatre mille foyers. Ainsi, l’habitat y est diffus, c’est-à-dire peu concentré.
3. Des déplacements majoritairement automobiles
Une telle répartition spatiale des activités 70rend quasi indispensable l’utilisation del’automobile, comme le montre le taux de motorisation particulièrement élevé des ménagestrièvois s’élevant à 85%. Ce territoire rural est totalement dépendant de l’automobile, tant pour accéder aux services que pour se rendre sur leurs lieux de travail, malgré une offre detransports en commun 72existante mais hélas inadaptée du point de vue des horaires. Le seulatout des transports en commun réside dans la présence de la ligne T.E.R. Grenoble-Veynes qui, grâce au combat des élus locaux, maintient un niveau de service satisfaisant.
4. Les déplacements domicile-travail
Comme il est souligné précédemment, de plus en plus d’individus travaillant dans l’agglomération grenobloise vivent dans le Trièves. Presque le tiers des actifs trièvois se rendent quotidiennement dans l’agglomération. Ce phénomène n’est pas exclusif à la seule région du Trièves, il touche l’ensemble des territoires ruraux situés à proximité de l’agglomération.
Ces migrations pendulaires s’effectuent dans leur majorité en voiture particulière, avec un taux d’occupation faible (1,2 personne par véhicule), provoquant les phénomènes bien connus de congestion aux heures de pointe sur les axes situés au Sud de l’agglomération.
Les facilités de déplacement automobile sont constatables sur cette région. Elles permettent aux ménages de reconsidérer leurs modes de vie. Tout en gardant un emploi dans l’agglomération, l’automobile leur permet d’installer leur lieu de vie familial dans un cadre de qualité. L’automobile est donc un objet incontournable dans un tel type de région que l’on pourrait situer dans lé périurbain lointain. Néanmoins, avec l’arrivée de l’A51 aux portes du Trièves, le temps de distance avec l’agglomération grenobloise tend à diminuer.
C. La réalisation concertée d’une action innovante de mobilité alternative
1. Enjeux du territoire
Suite à ce diagnostic, l’élaboration d’une action de mobilité alternative devait reprendre les enjeux territoriaux. Il a donc fallu se concentrer sur un type de trajet et ce sont finalement les liaisons domicile-travail avec l’agglomération grenobloise, zone d’emploi attirant de plus en plus de salariés travaillant dans le Trièves, qui ont été retenues.
Les principaux leimotiv à la réalisation du projet étaient d’ordre économiques. Eneffet, d’après le Bulletin Officiel des Impôts, un aller-retour régulier entre le Trièves et l’agglomération grenobloise coûte à trente quatre euros. De plus, au niveau national, le second poste de dépenses du budget des ménages français (derrière le logement) est consacré aux transports, soit une somme annuelle de 5 140€ (15% de la part totale du budget annuel des ménages). En outre, dans un contexte d’individualisation des mœurs, le covoiturage apparaît comme un vecteur de nouvelles solidarités et pourrait renforcer la cohésion sociale au sein de ce territoire et éviter ainsi la dilution identitaire.
L’enjeu de développer le covoiturage pendulaire sur ce territoire est au cœur des processus de régulation des fonctions urbaines. En effet, avec la croissance de l’agglomération grenobloise, de plus en plus de ménages profitent des nouvelles accessibilités en matière de transports (Autoroute A51) pour venir habiter dans cette région située dans le périurbain. Ayant toujours eu la volonté de préserver son image écologique et ne pas devenir un « espace dortoir », le Trièves a donc cherché à appliquer une action de mobilité alternative telle que le covoiturage pour limiter les externalités négatives de la croissance urbaine : consommation d’espaces, dilution du corps social, exigences qualitatives en termes de services, cohabitation avec le monde rural,… En ce sens, l’Agenda 21 du Trièves est un réel projet politique en milieu rural.
2. Un processus de concertation
L’action est innovante dans la mesure où elle a été effectuée grâce à une concertation active entre divers groupes d’acteurs aux logiques différentes. Le projet englobe ainsi une pluralité de points de vue. L’intérêt d’une démarche de concertation est justifié par la présence d’acteurs aux logiques différentes75, parmi lesquels :
- l’Espace Ressources Emploi Formation, pôle d’insertion lié au Syndicat d’Aménagement du Trièves,
- le pôle Solidarité de la direction territoriale Trièves du Conseil Général de l’Isère,
- un groupe de travail composé d’une dizaine d’habitants,
- les équipes techniques et décisionnelles du Syndicat d’Aménagement du Trièves dont je faisais parti.
Ainsi, chaque acteur participant au processus de concertation amène sa propre vision du sujet. La mobilité alternative peut être vue sous divers aspects : favoriser l’usage des transports en commun, faciliter les échanges entre les habitants ou encore rationaliser les déplacements automobiles. L’équipe porteuse de ce projet ne s’est donc pas basée sur les services existants, comme ce fut proposé par l’un habitant, mais a fait le choix de l’innovation en mettant en place un logiciel inédit en France.
3. Un logiciel intermodal de covoiturage pendulaire
En octobre 2006, les élus du conseil syndical du Trièves ont décidé de développer un site intermodal de covoiturage pendulaire ayant les caractéristiques suivantes :
- Un répertoire des moyens de transports,
- Le covoiturage régulier de proximité : mise en relation, interface cartographique, notion de point d’embarquement local,
- Lien vers l’Autostop organisé,
- Des participants (re)connus
La principale caractéristique du logiciel de covoiturage réside dans sa nouveauté et notamment en terme de mise en relation de covoiturage. Il propose en effet une interface où le temps de parcours du conducteur est calculé à partir de son heure de départ et de son trajet.
Les routes du Trièves étant sinueuses et pas excessivement nombreuses, cette option est intéressante car elle crée la notion de point d’embarquement local. Ainsi, la base de données calcule automatiquement la concordance, à dix minutes près, des trajets proposés par l’ensemble des moyens de transport circulant dans le Trièves, à savoir Train Express Régional, bus du Conseil Général de l’Isère, lignes de bus longues distances, ainsi que la flotte de véhicules individuels ayant enregistré leur trajet régulier dans la base de données.
Ce logiciel reprend a lui seul les fonctionnalités d’une centrale de mobilité, à savoirune offre de renseignements précis sur les lignes de transports en commun (horaires, lignes, réductions tarifaires,…). De plus, il aborde la question du covoiturage comme un véritable moyen de transport en le couplant avec les transports publics. Par conséquent, ce logiciel donne la possibilité d’avoir une main mise sur l’ensemble des informations liés aux modes de transport présents sur le territoire.
Se pose néanmoins le problème de l’accès au logiciel via l’Internet. Un accès téléphonique pose la question du recrutement d’un(e) salarié(e) qui remplirait le rôle d’animation du système de covoiturage.
Cette action reflète plusieurs points. Tout d’abord, elle tend à réconcilier les transports en commun avec l’automobile. Cette complémentarité public / privé est certainement, du point de vue de la LOTI, l’avenir de la mobilité alternative. L’automobile est traitée à égalité avec les autres moyens de transport. Mais du point de vue de la législation, peut-on considérer le covoiturage pendulaire comme un nouveau système de transport ?
Baptiste Cambon de Lavalette
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