Les states de Barack Obama s’y mettent à fond mais la valeureuse commune de la Motte d’Aveillans résiste encore et toujours…
Sur le sol gisent les morceaux, prêts à être assemblés : trois sections de pylône en acier, à l’intérieur desquelles on peut se tenir debout. Un peu plus loin, l’énorme nacelle avec sa turbine haute comme une maison. Et les trois pales de l’hélice en fibre de carbone, d’une cinquantaine de mètres de diamètre… Kirk Garlick, le manager de cette «ferme à vent» de 150 mégawatts, a planté ses éoliennes sur 23 000 hectares à deux heures de route au nord-est de San Francisco. C’est le quinzième parc californien d’enXco, la filiale américaine d’EDF Energies Nouvelles. Eh oui : l’énergie éolienne, si contestée en France, ne cesse de gagner du terrain aux Etats-Unis, devenus l’an dernier leader mondial, devant l’Allemagne. La production américaine a bondi de 45% en 2007. Le pays dispose au total de plus de 21000 mégawatts (MW) de capacité dans 35 Etats, Texas et Californie en tête. De quoi desservir l’équivalent de 5,5 millions de foyers. Et ce n’est que le début du grand «souffle»…
Une manne pour les fermiers
Réchauffement climatique, hausse du pétrole, volonté d’indépendance énergétique : depuis 2006, les Etats-Unis mènent une politique résolument favorable à l’éolien. Non seulement Washington octroie des crédits fiscaux de 2,1 cents par kilowattheure (kWh), mais la plupart des Etats imposent à leurs compagnies d’électricité d’acheter un quota d’énergies renouvelables. La part du vent dans la production nationale d’électricité pourrait ainsi passer de 1% aujourd’hui à… 20% en 2030, selon un récent rapport du ministère de l’Energie. Ce qui, en termes de ré duction de gaz à effet de serre, reviendrait à retirer des routes 140 millions d’automobiles. Du coup, les grandes compagnies européennes – l’espagnol Iberdrola, l’allemand EON, etc. – débarquent en force sur le continent. Avec quelque 480 employés, enXco, le bras américain d’EDF, gère un total de 60 parcs éoliens aux Etats-Unis, soit 713 MW brut en exploitation et 256 MW en construction fin 2008. Bonne nouvelle : les grosses fermes éoliennes américaines sont à présent compétitives : «On arrive à des tarifs de gros comparables à ceux des centrales au gaz naturel : aux alentours de 8 cents par kWh, avec des écarts de quelques cents en fonction de la ressource en vent et des coûts de construction locaux», explique Tristan Grimbert, le président d’enXco, basé à San Diego. Certes, à 5 cents/kWh l’électricité des centrales à charbon est encore moins chère. Mais pour combien de temps ? Barack Obama devrait bientôt faire payer aux industriels américains leurs émissions de gaz carbonique… L’éolien américain est plein de promesses. Il s’agit d’abord d’une manne inespérée pour les fermiers concernés, qui voient débarquer les opérateurs d’éoliennes comme jadis les pétroliers dans «There Will Be Blood», le film interprété par Daniel Day-Lewis. «Les propriétaires touchent une redevance généralement sous forme de loyer pour la location des terres, plus un petit pourcentage de l’énergie produite avec un minimum garanti», détaille Tristan Grimbert. Un total de 2 200 à 6 000 euros par turbine et par an selon les cas. Mieux : les fermiers peuvent continuer à exploiter les 95% de leurs champs laissés libres par les éoliennes, dont l’implantation est très espacée.
Des réseaux vétustes et fragmentés
L’éolien génère aussi des emplois, car les grands fabricants de turbines- l’américain General Electric, le danois Vestas, l’allemand REpower – croulent sous les commandes. Depuis janvier 2007, l’American Wind Energy Association (AWEA) a ainsi recensé, aux Etats-Unis, 700 millions d’euros d’investissement et 9 000 jobs. Très venté, le vaste corridor des plaines centrales américaines, qui s’étend du Texas au Dakota du Nord, pourrait théoriquement fournir toute l’électricité du pays. T. Boone Pickens, l’ex-raider du pétrole reconverti en croisé de l’éolien (il a lui-même un projet à 4 000 MW !), prêche pour faire des Etats-Unis «l’Arabie Saoudite du vent»… Mais il faudra pour cela surmonter deux obstacles de taille : premièrement l’inconstance du vent, qui rend difficile d intégrer plus de 20% d énergie éolienne à un réseau; deuxièmement la localisation des principales régions productrices, éloignées des gros centres de consommation. Or, comme l’a montré le spectaculaire blackout californien de 2001, les réseaux électriques américains sont vétustes et fragmentés. D’où un grand projet de réseau fédéral d’«autoroutes électriques» dernier cri. Cela supposerait, selon l’AWEA, de faire passer les investissements dans les réseaux de 5,7 à 8milliards d’euros par an… Le plan de relance du président Obama devrait faciliter la mise en chantier de ces «grands travaux» verts. Mais leur mise en oeuvre prendra des années.
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