Un article tout à fait passionnant du Nouvel obs de cette semaine sur les électeurs d’Europe écologie. Et qui dément de manière cinglante les deux axiomes de base des dirigeants verts :
1 – Si on est écologiste, on est de gauche
2 – Si on est pas de gauche, on est pas écologiste.
Etonnant de voir ce nouveau parti qui ambitionne de devenir la troisième force politique de France traiter par le mépris 40% de son électorat potentiel…
L’article
Plus centriste. Plus pragmatique. Ses envies sont souvent en décalage avec celles des dirigeants verts.
C’est le week-end du mariage. Ce 13 novembre à Lyon, les écolos lancent leur nouveau mouvement né de la fusion entre les Verts et Eur0pe Ecologie (EE). En deux ans, le rassemblement des Verts de Cécile Duflot et des amis de Daniel Cohn-Bendit a fait ses preuves électorales : alors qu’à la présidentielle Dominique Voynet avait recueilli 1,57% des voix, les écolos ont obtenu 16% aux européennes puis 12% aux régionales du printemps dernier. Un coup de génie, dit Denis Pingaud, vice président exécutif d’Opinion Way, qui s’est penché pour la fondation Jean Jaurés sur cet électorat nouveau en interrogeant régulièrement un panel d’un millier d’électeurs d’Europe Ecologie constitué lors des élections européennes de 2009. D’où vient-il ? Qu’attend-il pour la présidentielle ? Voiçi en exclusivité ses réponses à la veille des noces.
Les électeurs d’Europe Ecologie sont-ils de gauche ?
Première surprise de l’étude : l’électorat d’Europe Ecologie n’est pas, et loin de là, entièrement « soluble » dans la gauche. Certes une majorité s’en revendique : trois électeurs sur cinq. Mais cela fait quand même deux sur cinq qui ne s’y reconnaissent pas et se disent »au centre et à droite » ou « ni à gauche ni à droite ». Idem pour la stratégie d’alliance en vue de 2012 : trois électeurs sur cinq sont favorables à une nouvelle union de la gauche. Mais deux sur cinq préféreraient que la nouvelle formation reste indépendante d’une unité autour du PS. L’“affiche” Pierre Laurent, Cecile Duflot, Martine Aubry, ça ne satisfait pas la globalité de l ‘électorat d’Europe Ecologie ››, résume Denis Pingaud.
Ce qui rassemble cet électorat composite ? Son opposition à Nicolas Sarkozy. Et son adhésion aux valeurs mises en avant par Europe Ecologie : une certaine éthique, la conversion écologique de l’économie et une nouvelle façon de faire de la politique. D’ailleurs, la création d’un nouveau parti avec les Verts sent trop la
politique a l’ancienne pour eux. lls ne sont que 30% a la souhaiter, contre 61% qui auraient préféré un » mouvement autonome qui travaille avec différents partis »
Sont-ils en phase avec les positions des dirigeants écolos ?
Autre surprise embêtante pour les écolos : sur des sujets majeurs comme la place de l’Etat ou le nucléaire, leur électorat est en décalage avec les positions des dirigeants des Verts et d’Europe Ecologie. Ce qu’il attend ne correspond pas forcément au logiciel de la gauche classique. Exemple : sur les retraites.
Les dirigeants écolos a l’unisson sauf Daniel Cohn-Bendit défendent le maintien de l’âge légal à 60 ans. lnterrogés a l’été 2012, les électeurs écolos penchent majoritairement pour le report à 62 ans, à condition qu’il soit assorti de mesures sur la pénibilité et d’un financement plus équilibré entre capital et travail. Sur ce dossier, souligne le vice-président exécutif d’Opinion Way, l ‘électorat d’Europe Ecologie est clairement plus en phase avec l ‘ancien leader de Mai-68 qu’avec la secrétaire nationale des verts. Cet électorat, où les CSP+ sont sur-représentés, est aussi acquis a l’idée qu’il faut réduire l’endettement, quitte à diminuer
nombre de fonctionnaires !
Même décalage sur le nucléaire, qui est pourtant un sujet emblématique. 51% des électeurs se déclarent ouvertement en désaccord avec l”idée qu’il convient d’envisager au plus vite un abandon de la filière nucléaire dans la politique energétique de la France. Contre 48% d’un avis contraire. Et la décroissance est un gros mot : 30% seulement des soutiens EE considèrent qu’une certaine forme de décroissance est inévitable pour l’avenir. C’est dire si la tâche du futur candidat écolo à la présidentielle ne sera pas facile…
Qu’attendent-ils de la campagne d’Eva Joly ?
Si Eva Joly est désignée, plusieurs défis l’attendent. Elle devra d’abord incarner les valeurs qui font la marque Europe Ecologie. Pas le plus difficile pour elle. Mais elle devra aussi convaincre cet électorat particulièrement stratège de l’utilité de voter pour elle au premier tour. Son seul moyen de troubler le jeu à la manière de Bayrou en 2007 est, selon Denis Pingaud, de jouer dans la cour des grands :«Convaincre quelle est la meilleure candidate possible au deuxième tour face à Nicolas Sarkozy, qu’elle est la plus rassembleuse. Sinon? Bayrou est la menace la plus sérieuse pour les écolos parce que le leader du MoDem
surfe sur les mêmes valeurs : éthique, refus de l’affrontement droite/ gauche…
Autre épine dans le pied du candidat écolo : l’éventualité qu’Europe Ecologie scelle un accord électoral avec le PS avant le scrutin présidentiel dans l’espoir d’obtenir au moins un groupe de députés a l’Assemblée.
Dans cette hypothèse, l attrait d’un vote écologiste au premier tour s’étiolerait singuliérement, note le vice-président exécutif d’Opinion Way. Entre François Bayrou et PS, Eva Joly arrivera-t-elle à se faire une place? Si tel n’est pas le cas, conclut Denis Pingaud, le coup de génie ne sera pas durable.
Mael THIERRY
(1) Europe Ecologie. Electorat volage, electorat stratège, Fondation ]ean]aures, 6 euros
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