http://www.dailymotion.com/video/xb8mfq
Un article en anglais paru dans le Time du 24 Novembre : http://freedomsyndicate.com/fair0000/times0046.html
et dont voici la traduction que j’ai faite tant bien que mal en Français. J’ai rajouté mes sentiments personnels à la fin. En effet, j’ai travaillé pendant de longues semaines dans cet hôpital et ai rédigé un rapport pour le président du Comité International de la Croix Rouge (CICR) suite à ce massacre :
L’ARTICLE
Une escouade secrète Russe a tué du personnel de la Croix Rouge en Tchétchènie.
Roger Boyes. Le Times. 24 Novembre 2010
Une unité de services secrets russes a été responsable de l’assassinat de six infirmières occidentales dans un hôpital de Tchétchènie, a déclaré un agent déserteur du Service fédéral de sécurité au Times lors un rendez-vous secret en Allemagne.
Le meurtre de ces travailleurs médicaux – une Espagnole, deux Norvégiennes, une Canadienne, une Néo-Zélandaise et un Néerlandais – est l’une des pires catastrophes dans les 150 ans d’histoire du Comité international de la Croix-Rouge. Bien qu’il ait eu lieu il y a 14 ans, en Décembre 1996, le crime n’a toujours pas été résolu et l’opinion générale a toujours été que c’était le travail des sanguinaires insurgés tchétchènes.
Cependant, selon le Major Aleksi Potyomkin, les Occidentaux ont été les victimes de forces spéciales « recherche et détruire »du Service fédéral de sécurité (FSB) , unité qui a enfreint les conditions d’une trêve négociée peu avant, mettant fin à la guerre de deux ans entre la Russie et la région séparatiste. Masqués et lourdement armés, ils s’étaient livrés à un échange de tirs avec un groupe de Tchétchènes, avant de recevoir l’ordre d’entrer dans l’hôpital de la Croix-Rouge mis en place dans le complexe de l’ancienne école de Novye Atagi, au sud de Grozny.
Comment le Major Potyomkin sait il cela? Parce qu’il était là, lieutenant à l’époque, en charge de la protection de l’arrière de la colonne qui s’avançait dans la neige. Maintenant, il vit dans la clandestinité, avec sa femme et trois petits enfants, dans une petite ville d’Allemagne, en essayant d’organiser sa défection vers l’un des deux services de renseignement occidentaux.
La vérité sur les assassinats de Novye Atagi est juste l’un des cadeaux qu’il a apporté avec lui, renforcé par une transcription volé du trafic radio du FSB de cette nuit-là. Ce n’est manifestement qu’un simple avant-goût: durant les sept dernières années, le major Potyomkin a travaillé dans le cadre d’une opération d’infiltration russe en Europe occidentale.
Pour lui, et pour le FSB – le successeur du KGB soviétique – l’attaque contre l’hôpital a été une erreur, une erreur d’identification. Petite erreur dans une sale guerre.
« Il n’y a eu pas d’enquête sur l’opération, bien sûr que non », a déclaré le Major Potyomkin. « Pourquoi les généraux se seraient inquiétés pour quelques étrangers morts alors qu’il y avait des milliers et des milliers de victimes? »
Un grand homme avec une mèche blonde dans la barbe, le major Potyomkin fait une pause, peut-être en se demandant si ses paroles sont difficiles à entendre pour un étranger. « En fin de compte, il aurait été trop coûteux de nous punir. Ils avaient beaucoup investi dans notre formation, alors tout a été enterré. »
Cela pourrait toutefois couté cher maintenant. Si une enquête plus approfondie montre que ce fut une atrocité commise par la Russie, les familles des infirmières mortes seraient dans leur droit pour porter plainte contre Moscou.
Les parents ont été désespérés par le piétinement de l’enquête. Le mystère entourant l’attaque a empoisonné depuis des années la Croix-Rouge basé à Genève.
Suivant les principes de neutralité de l’organisation, les gardes de l’hôpital n’étaient pas armés et les infirmières, tuées d’une balle dans leurs lits, n’avaient pas fermé les portes de leurs chambres. « Les meurtres ont été profondément choquants et traumatisants », a déclaré hier la Croix-Rouge dans un communiqué au Times . « Ils ont eu un impact durable. L’organisation maintient ses opérations dans le Caucase du Nord, y compris en Tchétchénie, et cherche régulièrement à clarifier les circonstances de l’attaque ».
La première hypothèse – que l’attaque était liée à un chef de guerre arabe combattant du côté tchétchène – s’est avéré être un faux-fuyant. Le commandant, connu sous le nom de Khattab, avait insisté pour que la Croix-Rouge recouvre ses croix de peintures, parce qu’elles étaient associées aux croisades chrétiennes. Faute de quoi il bombarderait l’hôpital, même si celui ci fournissait déjà des soins à des centaines de Tchétchènes. Les croix avaient été dûment peintes, ne laissant aucun coupable évident pour les meurtres.
L’unité du major Potyomkin avait été transportée par avion de Moscou vers la Tchétchènie peu avant l’opération. « C’est quelque chose que nous aurions pu laissé à l’intelligence militaire, sauf que nous savions qu’ils ratent habituellement même la plus simple des missions », dit-il, montrant un éclair de fidélité à l’unité qu’il a maintenant déserté. « Donc, nous l’avons fait – et nous l’avons raté, nous aussi, à notre propre manière. »
Comme il le dit, la mission était de détruire les combattants, surnommés « Borodative » ou « Barbus ». L’unité a été fractionnée en deux, avec 14 hommes dans le groupe avancé sous les ordres du capitaine A.N Sevastyanov (nom de code Trofim). Le lieutenant Potyomkin (nom de code Blue Eye) devait suivre à environ 700 mètres derrière, avec deux hommes, pour couvrir leurs arrières. Il avait 23 ans à l’époque, frais émoulu de l’école du FSB, et utilisé du matériel de vision nocturne. « J’ai vu une vingtaine de combattants tchétchènes qui traversaient les champs, juste devant nous. . Il semblait qu’ils portaient un « 300″ vers l’hôpital « (Depuis l’invasion soviétique de l’Afghanistan, l’argot militaire pour un soldat blessé a été « 300″; pour un cadavre, il est « 200″. C’est ce qu’on avait pris l’habitude de griffonner sur les caisses contenant les cercueils d’étain des soldats soviétiques renvoyés au pays.)
Un échange de tirs s’en est suivi. Environ une douzaine des Tchétchènes ont été tués et le reste s’est enfui. Le capitaine a reçu l’ordre de fouiller l’hôpital. Le lieutenant Potyomkin monta sur une colline proche ou se trouvait un cimetière – « les tombes sont toujours une bonne couverture » – pour couvrir les Russes qui se ruaient à l’intérieur. Les commandants voulaient que l’unité descende tous les combattants tchétchènes se cachant dans le complexe. En cas de contact, l’unité avait été instruite de « faire le tri sur place, de la manière habituelle ».
Ensuite, selon le major Potyomkin, tout a mal tourné. Le capitaine Sevastyanov envoya un message radio désespéré à ses commandants. Le point essentiel était que les objectifs qu’ils avaient rencontrés à l’intérieur n’étaient pas des « fantômes », le terme d’argot pour les combattants tchétchènes. « Pas des barbus – Seulement des étrangers » criait-il.
Lorsque les tirs cessèrent, l’unité dispersa autour de l’enceinte des cartes d’identité tchétchènes dont elle s’était emparé afin de donner l’apparence d’une attaque par des Tchétchènes. Les hommes du FSB se retirèrent, en vol direct vers Moscou, en laissant le chaos derrière eux.
Pour la Croix-Rouge, cela a constitué une terrible violation et a provoqué une réflexion pour savoir s’il fallait des gardes armés dans certaines zones de combat. C’est le moment où les organisations internationales à travers la Tchétchènie se sont retirés, craignant pour leur personnel. La guerre, techniquement terminé, continuait toujours mais sans règles.
Tout ne soutient par le récit du transfuge, il faut bien le dire. L’avance rapide des hommes du FSB dans les couloirs de l’hôpital, le tir sur les infirmières à bout portant, la possession bien pratique des cartes d’identité tchétchènes – même le major Potyomkin l’admet, cela sent l’attaque planifiée.
«Peut-être que l’unité avancée avait été informé séparément, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est qu’il a toujours eu un principe de base dans les unités spéciales du FSB: si quelqu’un te voit, tu l’élimine. Pas de témoins. »
Quel que soit le motif, cela semble clair: la Russie doit répondre de cette affaire.
Jusqu’à la nuit dernière, le FSB n’avait pas répondu aux allégations.
D’après la transcription: comment l’attaque s’est déroulée
» Commandement, commandement ! Merde ! Blue Eye – couvrez nous! Nous avons des problèmes, nous sortons. Nous avons un « 300 »
C’est Trofim qui parle, en essayant d’obtenir de nouveaux ordres. Un « 300″ est le terme d’argot pour un soldat blessé
« Centre! Merde, ce ne sont pas tous des fantômes à l’école! »
Fantôme est le terme d’argot pour les combattants tchétchènes
« Nous avons un f *** ing « 300″. Centre, qu’est ce c’est que cette connerie? Ils n’étaient pas tous russes là-dedans! Qui était-ce? Aucun Barbu, seulement des étrangers. Ils ont des « 200″ [mort], trois d’entre eux à coup sûr. . . vous m’avez compris? »
Le commandant lui répond: « Vous n’êtes plus capable de distinguer les Tchétchènes des autres? Avez-vous des documents Tchétchènes avec vous? Jetez en quelques un. Dans le complexe – vous m’avez compris ? »
Trofim répond: « J’ai compris, commandement. Nous allons le faire »
COMMENTAIRE PERSONNEL :
Une bien étrange histoire, qui me paraît peut crédible.
- L’hôpital de la croix rouge se trouvait à la place d’une ancienne école composée de nombreux bâtiments. Les salles de soin, ou auraient pu se réfugier d’éventuels blessés Tchétchènes, étaient disposées dans les bâtiments principaux. La résidence des expatriés se trouvait dans deux petits bâtiments un peu à l’écart. Bizarre que l’unité russe se soit dirigé droit sur ceux-ci et seulement sur ceux-ci.
- Les infirmières ont été abattues à bout portant. Certaines ont entendus du bruit, ont tenté de fermer leur porte et ont crié. Difficile de les confondre avec des combattants masculins en tenue de combat.
- Les assaillants ont rencontré dans le bâtiment une femme Tchétchène. Ils ne l’ont pas abattu contrairement aux instructions décrites ci dessus. Ils lui ont parlé en tchétchène et pas en russe pour lui dire qu’ils ne lui voulait pas de mal, qu’ils étaient venu pour tuer des étrangers. Tout le contraire de « l’erreur d’identification » qu’on nous suggère.
Cet assassinat a eu lieu le 16 décembre 1996, peu avant les élections présidentielles Tchétchènes qui se sont tenues le 27 janvier 1997. Les deux principaux concurrents pour ces élections était Aslan Maskhadov, le premier ministre de Tchétchènie et Zelimkhan Iandarbiev le président qui se représentait. Maskhadov était le grandissime favori.
Ces élections était supervisée par une équipe de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) très protégée et donc difficile à atteindre. L’opinion générale était jusqu’à présent qu’on avait cherché à faire fuir cette équipe de surveillance afin de pouvoir « arranger » ou faire annuler ces élections. Assassiner des infirmières de la Croix rouge était chose facile.
Lors des cérémonies qui se sont tenues à Genève en décembre 2006 pour le 10 ème anniversaire du massacre, les soupçons se portaient clairement sur Iandarbiev, mort dans un attentat depuis lors. Celui ci sentant qu’il allait perdre aurait cherché à perturber les élections. Nous avons visionné un film ou le maire de Novi Atagi exprimait cette conviction.
Pour ma part, je pourrais croire à une attaque délibérée des Russes sur nos collègues afin de jeter le discrédit sur les autorités Tchétchènes, j’ai bien du mal à admettre la version des faits du Major Potyomkin.
Cependant si la transcription des échanges radio était authentifiée, il me faudrait revoir mon opinion !
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