Une bonne nouvelle qui passe bien inaperçu entre le drame du couple Sarkozy, la grève de la SNCF et les larmes de Chabal: le traité simplifiésur les institutions Européennes vient d’être signé à Lisbonne. Cela intervient une peu moins de 2 ans après l’échec du référendum avec une mise en oeuvre rapide au 1er janvier 2009. Voyons cela plus en détails.
Ce qui est conservé du projet de constitution:
Le Conseil européen aura un président permanent, qui assurera la représentation extérieure de l’Union, mettant fin à l’aspect le plus ubuesque de la rotation semestrielle des présidences par pays. Actuellement chaque pays préside l’union pour 6 mois tous les… 13 ans et demi !!! Mais la rotation restera pour la présidence des conseils des ministres sauf pour celui des affaires étrangères qui sera présidé par le haut représentant (voir plus bas).
La cohérence de la politique étrangère et de sécurité commune sera renforcée par la nomination d’un haut représentant, qui sera en même temps vice-présidentde la Commission européenne et disposera d’un important service diplomatique. L’UE disposera d’un véritable ministre des Affaires étrangères, même s’il n’en aura pas le titre, chose qui était prévu dans la constitution. Il remplacera le haut représentant actuel et le commissaire européen aux affaires étrangères qui faisaient double emploi. Il présidera le conseil des ministres des affaires étrangères de l’union.
Pour plus d’efficacité, la Commission, qui fait les propositions législatives, comptera, à partir de 2014, un nombre de commissaires égal à deux-tiers des État membres, alors qu’actuellement chaque État a « son » commissaire.
Le Parlement européenva étendre son pouvoir de co-décision législative avec les États membres sur les questions sensibles de justice, sécurité et d’immigration légale. Les Parlements nationaux pourront demander à la Commission de revoir une proposition s’ils jugent qu’elle empiète sur leurs compétences.
Le traité intégre la Charte des droits fondamentaux, 54 articles sur les droits du citoyen (liberté, égalité, droits économiques et sociaux).
Par pétition, un million de citoyens européens peuvent « inviter » la Commission européenne à « soumettre » une proposition législative dans un domaine donné.
En matière de coopération judiciaire et policière, la plupart des décisions seront prises désormais à la majorité, et non plus à l’unanimité.
L’unanimité demeure cependant la règle pour la politique étrangère, la fiscalité, la politique sociale ou la révision des traités.
Pour les décisions prises à la majorité, le vote à la double majorité- 55% des États représentants 65% de la population – remplacera l’usine à gaz actuelle de triple majorité.
Clause de sortie: le traité introduit la possibilité pour un pays de quitter l’Union dans des conditions à négocier avec ses partenaires.
Ce qui a été abandonné
Les références – hymne, drapeau ou devise- qui auraient selon lui permis aux citoyens de s’identifier à une construction européenne désincarnée.
De facto, le vote à la double majorité n’entrera en vigueur qu’en 2017et l’Union devra donc vivre dix ans de plus avec des mécanismes de décision qui datent d’il y a 50 ans, lorsqu’elle ne comptait que six États membres. Merci Attac !
Le Traité constitutionnel remplaçait tous les Traités existants par un document unique et lisible. Le nouveau texte conserve le Traité de Rome et le Traité de Maastricht, eux-mêmes déjà modifiés par les Traités d’Amsterdam et de Nice, en y apportant près de 300 modifications supplémentaires. C’est un mille feuilles législatifs! Les partisans du non parlaient d’un texte compliqué, on ne les entend plus…
Les concessions aux récalcitrants
Comme on pouvait s’y attendre, le rejet du projet de constitution obligeant à la réouverture des négociations a relancé le marchandage des Euro-sceptiques. Ceux ci ont eu gain de cause sur certains points mais on pouvait s’attendre à pire!
Une bonne partie des discussions de la soirée à Lisbonne a tourné autour de la demande italienned’obtenir au moins un poste d’eurodéputé supplémentaire, afin de ne pas décrocher des pays de taille voisine, comme la France et le Royaume-Uni. Cela a été accordé à Romano Prodi, sous pression dans son pays. L’Italie disposera de 73 élus, comme le Royaume-Uni, contre 74 à la France. Du coup le nombre total de membres du Parlement européen passera de 750 à 751. Impressionnant !
A deux jours de leurs élections législatives, les Polonais, qui contestaient le nouveau système de vote prévu par le traité, ont obtenu le renforcement du mécanisme de « Ioannina », qui permet à quelques États, même s’ils n’atteignent pas la minorité de blocage, de geler pendant quelque temps une décision approuvée par la majorité. Ce mécanisme fera l’objet d’une déclaration jointe en annexe au nouveau traité, et un protocole précisera qu’il ne pourra être modifié qu’à l’unanimité. Pitoyable! Varsovie a arraché aussi la désignation d’un avocat général polonais auprès de la Cour européenne de justice. Si ça leur fait plaisir !!!
Le Royaume-Unia obtenu un statut d’exception. Il ne sera pas dans l’euro, choisira à la carte les coopérations policières et judiciaires auxquelles il souhaite adhérer et ses citoyens ne bénéficieront pas de la Charte des droits fondamentaux: c’est un « self-service », a regretté le député européen Andrew Duff, un libéral-démocrate britannique.
La mise en oeuvre:
Signature:Le 13 décembre à Lisbonne par les chefs d’État et de gouvernement.
Ratification:Elle sera organisée dans chaque État, au cours de l’année 2008, par la voie parlementaire ou référendum. L’accord de tous les États est requis. La phase de ratification pourrait être risquée dans certains pays. Ainsi Gordon Brown, le premier ministre britannique, doit-il faire face à une violente campagne des milieux euro-sceptiques qui demandent l’organisation d’un référendum. Seule l’Irlande est tenue par sa Constitution d’organiser un tel référendum. En France, le président Sarkozy a annoncé durant sa campagne qu’il opterait pour un vote du Parlement.
On peut regretter une ratification par voie parlementaire mais peut on faire autrement? Actuellement le rejet d’un seul pays sur 27 suffit à bloquer le processus. Et les votes négatifs sont souvent suscités par un rejet de la politique intérieur. On pourrait s’inspirer à terme de l’exemple Suisse qui valide un référendum moyennant majorité du peuple et des cantons. Bel exemple d’intégration Européenne si l’on comptait l’ensemble du corps électoral comme une entité unique tout en exigeant un vote favorable dans une majorité de pays de l’union.
Entrée en vigueur:Le traité s’appliquera à partir du 1er janvier 2009 si les procédures de ratification sont terminées. Clauses particulières. La réduction du nombre de commissaires n’aura lieu qu’à partir de 2014. Comme signalé plus haut, le nouveau système de vote sera appliqué à partir de 2014 ou, si un État le demande, de 2017.
Ensuite:
Il faudra se mettre d’accord avant 2009 sur les noms des présidents de la Commission et du Conseil européen, ainsi que sur ceux du « ministre » des Affaires étrangères et du prochain président de l’Eurogroupe, fonction assumée pour l’instant par le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Nicolas SARKOZY a déjà son idée: il verrait bien José Manuel Barroso rempiler à la Commission et estime qu’il serait « intelligent » que Tony Blair préside le Conseil européen.
Lorsque cette épreuve sera surmontée, les détenteurs des nouveaux postes devront se créer un espace pour exister, comme le montre la lutte incessante de Juncker pour parler au nom de l’euro dans les enceintes internationales comme le G7.
Le président du Conseileuropéen devra se battre face à 27 chefs d’État et de gouvernement qui n’entendent pas, Nicolas Sarkozy en tête, lui céder les premiers rôles.
Le responsable des Affaires étrangèresde l’UE, qui sera enfin doté d’un service diplomatique et d’un budget à sa mesure, devra jouer des coudes face à des ministres et à leurs administrations jalouses de leurs prérogatives.
Le Royaume-Uni a mené une bataille de tranchées pour limiter son pouvoir et il faudra une véritable révolution culturelle pour que la diplomatie française cesse de faire cavalier seul.
Enfin, la durée de vie du traité n’est pas définie et certains arrangements, comme le nombre de sièges au Parlement européen de commissaires, devront à court ou moyen terme être révisés, ce qui laisse présager d’autres querelles.
Et au delà ?
Dans quelques années, sous la pression du Parlement européen et des citoyens, on regroupera l’ensemble de ces dispositions dans un seul texte, qui donnera à l’Union européenne sa charte fondatrice, cohérente et lisible.
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Pour finir dans l’allégresse, vous pouvez écoutez l’ode à la joie, l’hymne de l’union Européenne qui n’est autre que la neuvième symphonie composée en 1823 par Ludwig van Beethoven: http://europa.eu/abc/symbols/anthem/index_fr.htm
Source: http://vge-europe.eu/
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